QUESTIONS À
« Le jeu ? Quelque chose de décrit comme orgasmique »
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Photo RL /Armand FLOHR

Eric Ferry, assistant au Centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie Baudelaire

Cette consultation réservée aux joueurs répond-elle à un réel besoin ?
« Oui. Sept casinos et salles de jeux allemandes se trouvent dans un rayon de 50 km autour de Thionville. Nous ne ciblons plus seulement les joueurs pathologiques mais aussi les joueurs problématiques. Ces derniers ont un taux d’endettement encore supportable par le budget
familial. Mais ils ont déjà dépassé le cadre du jeu d’argent de Monsieur tout le monde. En moyenne, une vingtaine de personnes sont suivies chaque année dans notre centre. En ce moment, je constate une recrudescence des consultations. »

Comment se matérialise la dépendance ?
« Par une perte de maîtrise du joueur, par une obsession, celle de se refaire en jouant chaque jour. Cet engrenage fait naître une cohorte de sentiments négatifs comme la culpabilité. Des symptômes dépressifs et anxieux s’installent. »

Le moteur du joueur se résume donc à la seule recherche du gain immédiat ?
« Non, ça c’est ce qu’il croit. L’objectif est rarement l’argent mais plutôt les émotions qui accompagnent le jeu. Le pari libère de l’adrénaline, de la dopamine qui procure un sentiment de plaisir au joueur. Ces émotions fonctionnent, d’une certaine manière, comme un antidépresseur.
Beaucoup décrivent ces phases de jeu comme quelque chose de très orgasmique. »

Comment faire disparaître cette dépendance aux jeux ?
« Pour les joueurs pathologiques, il existe un centre de sevrage dans les Vosges. De notre côté, avec les joueurs problématiques, la première étape consiste à poser un diagnostic différentiel : tous les symptômes de l’addiction sont mis sur la table. Il faut garder à l’esprit que le jeu
peut être la cause ou la conséquence d’un autre trouble. Ensuite, nous passons au cycle de la thérapie cognitivo comportementale. Cela correspond à de l’écoute, à un accompagnement au quotidien pour modérer les situations de jeu. »

La rechute est-elle courante ?
« Elle est même inévitable. La rechute fait partie du processus. En rejouant, le joueur va vérifier qu’il va mieux. Cela a une valeur de test. »
Existent-ils des profils types de joueurs ?
« Pour les jeux d’argent, deux profils se dégagent : des hommes âgés de 40 à 45 ans, plutôt à l’aise financièrement et en quête de sensations. Et des femmes, âgées en moyenne de 60 ans, qui trouvent dans le jeu du lien social. »

RL du 14 novembre 2021